La planification annuelle des projets routiers%%: une chorégraphie de travaux publics!

​31 mars 2023
​​​​​​​​​​​​​Durée : 30 min 05​​​ sec

Le ministère des Transports et de la Mobilité durable réalise chaque année plus d’un millier de projets répartis à travers la province. Ces projets, de tailles variées, ont forcément un effet positif puisqu’ils sont nés d’une nécessité.

Il va sans dire qu’on n​e peut pas improviser cette vaste planification. De plus, ce grand carrousel des projets programmés fait l’objet d’une présentation annuelle, à temps pour le printemps. Après avoir écouté cet épisode, vous saurez désormais ce qui précède ce torrent de chiffres et de données.

Pour les fins de ce balado très instructif, Mme Catherine Martineau, directrice à la programmation et au suivi des investissements, sous la Direction générale à la coordination territoriale, nous amène dans les coulisses de ce vaste mouvement perpétuel.

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​Transcription

Ici, Gilles Payer, je suis en compagnie, comme d'habitude de mon collègue, également porte-parole au Ministère, Martin Girard, bonjour Martin.

Salut Gilles.

Mesdames, Messieurs, après avoir écouté ce balado, vous saurez comment Transports Québec planifie les centaines de chantiers annuels. Vous pourrez comprendre comment les priorités sont établies, ainsi que les nombreux paramètres et défis de ce parcours annuel auxquels doivent faire face les gestionnaires du Ministère.

Notre invitée est au cœur de ce cycle perpétuel de planification, exécution, suivi, replanification, modification, adaptation. Catherine Martineau est directrice de la programmation et du suivi des investissements sous la direction générale à la coordination territoriale. Merci d'être là, Catherine.

Merci.

Vous êtes au Ministère depuis quelques années, j'imagine?

Oui, en effet, moi je suis native de la région de Québec et je travaille pour le ministère des Transports à la direction, à la Capitale-Nationale, en fait, là, depuis maintenant bientôt 10 belles années. Puis, depuis, là, bientôt un an, je suis, je m'occupe de la programmation, mais cette fois-ci pour l'ensemble de la province.

Alors, partons à l'aventure. Chaque année, le Ministère rend public, autour de février-mars, le détail de ces investissements qui sont dans des projets routiers, des projets maritimes, ferroviaires, aéroportuaires, des projets d'infrastructures, des projets qui vont débuter dans l'année ou dans l'année suivante et à la base, ces investissements proviennent de crédits, des crédits qui sont encadrés, qui sont accordés par le gouvernement et qui sont inscrits officiellement. Et puis à partir de ce moment-là, on répartit ces ressources à travers des besoins qui sont multiples. Catherine Martineau, c'est là que vous intervenez. C'est un travail qui ne dure pas qu'un mois par année.

Non, loin de là, c'est un travail qui dure 12 mois par année et qui se répète d'année en année. Nous, en fait, je dirais que l'exercice sur une année, là, on peut dire qu'il commence au mois de juillet environ de chacune des années. C'est là qu'on va faire vraiment un lancement officiel en fonction du montant qu'on va avoir reçu. Vous savez, nous, on travaille avec des sommes qui nous sont octroyées par le Secrétariat du Conseil du trésor, via ce qu'on appelle le Plan québécois des infrastructures. Le PQI est un plan sur 10 ans qui est mis à jour annuellement, lui aussi, donc faut contenter tous les besoins, surtout qu’ils sont dans tous les territoires, avec notre espèce de sacoche annuelle d'argent, là, qui nous est octroyée via le PQI.

Catherine, vous mentionnez qu'en juillet, on lance l'exercice de la programmation. À quel moment on a un portrait, là, des projets, là, qui seront annoncés au courant du mois de février, fin février-début mars?

Je dirais que ça va au début de l'hiver, environ, là. En juillet, on va lancer l'exercice. On va avoir, ensuite de ça, là, sur la fin de l'été, au niveau de l'automne, il va y avoir beaucoup de travail qui va être fait là, au niveau des territoires, pour venir vraiment bien sélectionner, finaliser la préparation des projets qu'on veut mettre de l'avant au cours des deux prochaines années, puis c'est ça, donc au début de l'hiver, là on va venir vraiment camper un peu plus précisément, qu'est-ce qu'on va avoir comme programmation pour ce qu'on appelle une biennale là, donc, une programmation sur deux ans.

La grande question, comment on répartit ces budgets-là?

On commence par établir un seuil à partir duquel les projets vont être des grands projets majeurs ou des projets plus réguliers, comme je pourrais dire. Donc, ce qu'on fait, c'est qu'on a un seuil de cent millions de dollars, donc tous les projets qui sont au-dessus de cent millions sont gérés par une équipe qui est spécialisée en projets majeurs et tout ce qui est en bas de cent millions est géré par l'ensemble des autres équipes au niveau des projets routiers. C'est un seuil qui est très important au Ministère parce que quand on est au-dessus de cent millions, là, il y a beaucoup de règles qui rendent les projets assujettis à un certain cheminement. Et puis ça, ce n'est pas géré au niveau de mon équipe, là, et des directions générales territoriales avec qui je travaille. Nous, on travaille avec tous les projets qui sont en bas de cent millions.

Le seuil est quand même élevé : un projet, même à quatre-vingt-dix millions, ça commence à être assez important, mais je tiens à souligner qu’au niveau des territoires, là, avec les équipes avec qui qu'on travaille, ça peut générer, là, quand même environ 1000 chantiers par année, là – 1000 projets, là, qui vont vivre en même temps, là, une même année. C'est un petit peu comme ça, donc : on commence en établissant nos besoins, en sachant que ça va être tous les projets qui vont être en bas de cent millions. Pour établir ces projets-là, bien, ce qu'on va faire, c'est qu'on va faire entre autres des inspections de structures, on va avoir de l’équipement spécialisé qui va sillonner le réseau pour mesurer l'état des chaussées. On va identifier aussi nos besoins en fonction de certains engagements gouvernementaux. On va avoir aussi, des fois, des projets qui vont être mis de l'avant en raison de rapports de coroner suite à des accidents importants. On connaît aussi certains secteurs de notre réseau où le potentiel accidentogène peut être un peu plus important, donc ça va être des secteurs qu'on va cibler pour la réalisation de projet, et toutes sortes d'autres... qu'on pourrait appeler des sujets un peu plus sensibles au niveau, par exemple, de la poudrerie, donc on va avoir des programmes, là, pour implanter des haies brise-vents un petit peu partout sur le réseau. Donc, toutes ces activités-là, tous ces intrants-là vont nous permettre d'identifier des besoins et de mettre de l'avant certains nouveaux projets.

Puis il faut voir aussi la capacité dans chaque région de réaliser des projets – évidemment, en région éloignée, les ressources ne sont pas les mêmes que dans un centre urbain?

Exactement. Quoiqu'on peut dire, qu’au ministère des Transports on est très chanceux pour ça, on a des ressources qui ont des expertises variées qui sont présentes, vraiment, là, sur l'ensemble du territoire québécois. Mais, oui, c'est certain, là, qu’on a une base, une capacité de réalisation qui va varier d'une région à l'autre, tant en raison des ressources humaines, mais aussi au niveau des parcs d'entrepreneurs qui peuvent être disponibles ou pas, là, dans certaines régions, pour des fois des travaux un peu plus spécialisés.

Ça peut être aussi raisonnable de penser qu'une région a tellement de projets à réaliser sur la table que c'est illusoire de penser qu'elle va pouvoir tout faire en un an, par exemple. Alors on va dégager des ressources pour les donner à d'autres qui vont pouvoir travailler durant la même année?

Les besoins en fait, là, ils sont, à la limite, infinis, là. On pourrait faire des projets sans cesse, mettre des chantiers de l'avant sans arrêt, mais à un moment donné, on a quand même une capacité de réalisation, là, qu'on doit respecter pour assurer aussi une certaine qualité des travaux qu'on entreprend.

Parmi les projets qui existent, il y a une notion qui s'appelle « Améliorer le réseau ». C'est quand même assez large comme définition.

Oui, puis c’est là, je vous dirais, qu'on a souvent le plus de besoins qui sont exprimés : les projets en amélioration du réseau, là, c'est toutes sortes de... ça peut se traduire de toutes sortes de manières. C'est des projets qui vont être : en sécurité... pour améliorer les fonctionnalités, des fois ça peut être des choses un peu moins... qui peuvent sembler de moins grande envergure... mais l'ajout de glissières de sécurité est un élément qui peut sembler banal quand on se promène sur le réseau. Mais ça sauve des vies une glissière de sécurité, là, ça évite à nos voitures de tomber dans un talus ou de prendre une voie inverse, donc c'est des projets des fois qui peuvent sembler un peu moins, de moins grande envergure, mais qui ne sont pas non plus sans importance. Tout ce qui est : changement climatique, adaptation aux changements climatiques, aux Îles-de-la-Madeleine, on travaille fort pour protéger la route, là, justement, des aléas climatiques. Donc l'enveloppe amélioration du réseau, là, c'est l'enveloppe je dirais qui a la plus grande variabilité de type de besoin.

Au final, là, c'est pas nécessairement juste de l'asphaltage, là ... Il y a toutes sortes de projets autour d'une route, là, on peut parler de ponceau comme t'as mentionné, des murs antibruits, glissières et ensuite, donc le type d'intervention reste quand même large, là, sur notre réseau routier.

Oui, le type d'intervention reste large et puis on a aussi des interventions combinées aussi, là, donc dans le secteur amélioration du réseau, on peut avoir justement des améliorations de ponceaux. Les ponceaux, c'est, c'est comme un, pour le commun des mortels, c'est un gros tuyau qui permet le drainage des routes, là, donc on peut avoir des projets comme ça, qu'on va... qu'on va combiner, donc on a un projet de chaussée qui est très visible à l'œil mais en dessous de ce projet-là, on est probablement en train aussi de changer des ponceaux; aux abords de ce projet-là, on est peut-être en train de d'implanter de nouvelles caméras de surveillance. Fait que, c'est tout des besoins qu'on tente le plus souvent possible de combiner aussi, là, pour faire de la gestion intégrée et faire d'une pierre 2-3 même voire 4 coups.

Catherine, on parlait beaucoup de projets. On arrive, là, vous mentionnez que ça débute, la programmation débute au mois de juillet, là, de chaque année, le lancement de la programmation. Mais un projet routier, là, ça se développe pas et ça se planifie pas seulement sur quelques mois?

Non. Pas du tout, même : ça peut, ça demande plusieurs années, souvent, des projets, dépendamment de leur envergure, là, pour la préparation. C'est là qu'on voit toute la vigueur du Ministère, avec l'ensemble de son expertise, puis des équipes qui sont à l'arrière des travaux que vous voyez sur le réseau, là. On commence, là, on en a un petit peu parlé, tantôt tu sais, on commence par reconnaître un besoin, donc je peux avoir une équipe qui vient de faire une inspection de structure et puis on découvre, là, qu’il y a une reconstruction qui peut être nécessaire. Donc c'est là que toutes nos équipes de projets se mettent en branle pour analyser, faire les études nécessaires. Par études, là, je peux penser aux études de caractérisation environnementale. On a des équipes d'arpentage qui vont aller devoir arpenter le terrain pour délimiter l'emprise où s'arrête le terrain du Ministère et où commence celui du riverain. On a des équipes, ensuite de ça, au niveau des services publics. Vous savez comme moi que le réseau électrique longe souvent les routes. Donc c'est toute une équipe projet, en fait, là, qui se mobilise, là, quand on définit un besoin, puis qu'on décide de faire avancer un projet, là, jusqu'à sa mise en chantier.

Le balado des transports, une production de la Direction générale des communications du ministère des Transports et de la Mobilité durable du Québec.

Parfois, les gens, vu de l'extérieur, quand on sait pas, réalisent, ou pensent réaliser que faire un projet routier, c'est, c'est très long, peut-être même trop long de leur point de vue. Mais il y a de très bonnes raisons à ça, parce que, réaliser un projet routier, c'est un travail à l'année qui commence avec des choses de base qu'il faut suivre tout au long.

Exactement. Puis oui, ça peut effectivement sembler long comme vous dites, peut-être un peu trop long. Mais en fait, nous, on préfère vraiment bien faire les choses, faire toutes les études qui sont nécessaires pour un projet, et quand on le lance en chantier, avoir le moins de mauvaises surprises possible. Je peux prendre l'exemple de la reconstruction d'un pont. Ça va nécessiter, par exemple, une équipe qui va aller sur le terrain, l'été, hein, parce que vous savez comme moi que… il y a un hiver au Québec, et que malheureusement, pour certains, il est parfois très long, c'est ça. Donc je peux avoir des équipes qui vont devoir aller faire des caractérisations environnementales, donc ça je vais faire ça au mois de mai, juin, juillet, là, au cours de l'été. Ces relevés de données-là, bien, ils ont besoin d'être analysés par des équipes, encore là, qui sont plus dans le bureau, donc c'est des gens qui vont analyser le secteur de l'environnement, les milieux humides qui sont présents, ils vont devoir définir s'il y a des certaines autorisations environnementales qui sont nécessaires, procéder à ces demandes environnementales-là, se coordonner avec les ministères qui sont en collaboration avec nous. Ça, c'est pour le volet environnement. Mais quand je lance un projet aussi, ben j'ai mes équipes en arpentage qui vont aller prendre des relevés.

Ces données-là, bien, c’est pour faire des plans en règle, des plans d'acquisition, entre autres, qu'on appelle, pour que les équipes en activité immobilière aillent rencontrer les propriétaires qui peuvent être impactés par nos projets. Ces rencontres-là, ben comprenez, ça se fait pas sur le coin d'une table, il faut rencontrer les propriétaires, bien leur expliquer les projets, procéder à la négociation des acquisitions, si c'est le cas, avec eux. Parfois, on va avoir simplement des servitudes de passage, c’est-à-dire qu’on va avoir juste besoin d'une petite bande pour faire passer la machinerie pour aller faire les travaux. Parfois, ça va être plus important, des fois on va avoir besoin de mettre un pont temporaire, faut aller négocier avec le propriétaire, encore là, ce petit morceau de terrain-là de plus. Fait que c'est beaucoup, c'est beaucoup d’étapes, beaucoup d'équipes qui peuvent faire en sorte que les délais, là, veut, veut pas, bien ils sont là. Il peut arriver toutes sortes de choses dans la vie d'un projet, là. Tu sais, une fois j'ai fait mes études d'avant-projet, je vais aller de l'avant, là, avec les plans et devis officiels avec les ingénieurs qui vont dessiner les plans pour le projet, mais à ce moment-là, malgré que j'avais fait des vérifications, peut-être un an avant, auprès de la municipalité où je suis, bien, ça se peut que depuis un an, deux ans, la municipalité, son besoin a évolué : puis oupelaye! Elle a un projet direct collé sur le mien. Il y a une coordination qui s'amorce, fait qu'on les consulte, là, régulièrement, nos partenaires qui sont les municipalités, puis tous les autres intervenants autour.

Mais eux aussi, leurs projets sont vivants. Donc, il peut arriver toutes sortes de choses qui, font en sorte qu’on rechange notre échéancier. Donc, des fois on va retarder d'un an pour accommoder les travaux de la municipalité, qui sont, eux, un peu plus urgents. Des fois, on va essayer de travailler en collaboration avec eux justement pour que les travaux se fassent de manière conjointe, si c'est des besoins qui s'arriment bien. C'est des éléments qui peuvent arriver, qui font en sorte que on modifie notre échéancier, puis que ça peut sembler effectivement long aux yeux des citoyens. Mais c'est jamais sans raison. Et il y a toujours une bonne raison derrière ça. Des fois, on va nous-même décider de retarder un projet parce qu'on va décider d'y intégrer un nouveau besoin – par exemple, l'ajout de caméras pour surveiller le réseau. Donc on pourrait avoir là, justement, un nouveau plan d'action ou un nouvel investissement qui nous est consenti pour ajouter des caméras. Bien on va décider de retarder le projet d'un an pour bien intégrer ce nouveau besoin-là à l'intérieur, puis faire un projet qui est beaucoup plus complet, puis surtout être présent une seule fois, plutôt que 3-4 fois à la même place. Fait que ça, c'est quelque chose qui est important, d'essayer de limiter le nombre et la durée des entraves. C'est quand même important dans notre cheminement de projet, on le prend en considération perpétuellement.

Et bien sûr la mobilité fait partie de la mission du Ministère. Donc c'est un concept de plus à rajouter.

Oui, la mobilité c'est très important, puis laquelle on combine à la sécurité. Quand on prévoit nos chantiers, on va toujours regarder le chemin de détour qui devra être employé par les usagers, puis on prend ça en considération avec les travaux municipaux qui peuvent être sur ce chemin de détour-là et qui pourraient ultimement, justement, limiter la mobilité. Mais aussi en région, disons hors des centres urbains, bien c'est un élément qui est majeur, parce que un chemin de détour de 70 km, pour une ambulance, ça peut être une très mauvaise idée au niveau de la sécurité du public. Donc c'est quelque chose qui est effectivement, là, au cœur de nos préoccupations, qui peut faire en sorte, encore là, des fois, d'allonger un petit peu la préparation d'un projet, parce qu'on va réaliser qu'il y a une entrave XY sur notre chemin de détour. Bien, on va prendre la décision de faire un pont temporaire, par exemple pour favoriser la mobilité, puis assurer la sécurité, là, des usagers qui empruntent ce tronçon-là.

Ce qui peut arriver aussi au niveau du cheminement d'un projet, c'est qu'on voit, je l'ai dit tantôt, des fois, on peut prendre la décision de reporter dans le temps un projet parce qu'on constate que dans un même secteur, la concentration de projets est beaucoup trop importante pour ce que peut supporter le réseau, puis je dirais même ce que peuvent supporter les usagers, là, dans leurs déplacements. Donc, ça c'est quelque chose qu'on prend aussi en considération, de concert avec les municipalités. On va les rencontrer pour savoir qu'est-ce qui s'en vient, eux, au niveau de la programmation pour l'année qui vient, pour les deux ans qui viennent. Et puis on essaie d'arrimer notre calendrier avec le leur pour limiter, comme je l'ai dit tantôt, la concentration, autant pour les usagers, je dirais, mais aussi pour ce que le marché est capable de supporter. On essaie quand même d'y aller là, en tout respect, si je peux dire, de la capacité du marché à supporter nos nombreux appels d'offres.

On comprend, là, avec ce que vous venez de nous dire, Catherine, que c'est pas simple pour un projet. Il y a différents facteurs comme, autant pour la mobilité, et aussi que y a pas un nombre illimité d'entrepreneurs qui peuvent soumissionner et travailler sur nos projets. Fait que ça montre que c'est pas simple de planifier des projets, mais une fois qu'on arrive à l'annonce des investissements, les projets sélectionnés, eux, sont mûrs, si on peut dire?

Je dirais on annonce toujours sur deux années. La première année, on est quand même assez confiant; les risques qu'on a identifiés s'avèrent de moins en moins – ils ont de moins en moins de risque de se concrétiser. Donc, pour la première année de travaux qu'on va annoncer, je dirais qu'on est à peu près à 90 % sûrs, parce qu’il peut toujours arriver toutes sortes d'éléments qu'on peut pas voir venir. Puis, pour la seconde année, bien je dirais qu'on marche à peu près à 75 %, là, qu’on est pas mal certain, là, qu'on va être capable de mettre de l'avant les chantiers. Puis pourquoi on se garde, je me garde un petit peu ce petit pourcentage-là de réserve? Mais, on vit tous dans le même pays. On le sait qu'il peut arriver un événement climatique d'importance en plein été qui va faire en sorte qu’il y a une route qui peut être emportée. Bien là, à ce moment-là, les équipes que j'avais prévues pour aller surveiller un chantier, faut je les prenne puis il faut que je les envoie sécuriser le secteur qui vient d'être inondé, là. Donc, ça fait partie des causes de report de chantier, des fois, qui font en sorte qu'on a beau avoir toutes les bonnes intentions du monde, d’avoir fait la meilleure planification de travaux, mais il en restera toujours, là, certains événements imprévus d'urgence qui font en sorte qu'on remobilise nos troupes, qui sont, je tiens à le dire, là, qui sont très efficaces à se revirer de bord puis aller colmater, là où il le faut, de manière urgente.

Parenthèse aussi, faut quand même rappeler à ceux qui nous écoutent que le Ministère planifie, enfin, planifie tous ses projets, mais n'exécute pas nécessairement lui-même tous les projets. Le Ministère, est, comme on dit souvent, le plus gros donneur d'ouvrage du gouvernement, donc ça veut dire des milliers de contrats, des milliers d'appels d'offres et tout ça pour couvrir un territoire qui est immense. Mais ce qu'il faut comprendre aussi, c'est que le nombre d'entrepreneurs qui vont se présenter pour répondre favorablement ou dans les paramètres à un appel d'offres, bien, ça se peut qu'ils soient peu nombreux, ça se peut qu'ils soient pas disponibles au moment où on le souhaite. Et ça aussi, ça peut être une cause de report de projet.

Oui en effet. D'ailleurs, avez-vous une idée pourquoi on annonce les travaux sur deux ans?

Ben j'imagine que ça permet d'espérer.

Ben, c'est justement pour donner un petit peu d'air, si je peux dire, aux entrepreneurs. Donc, en faisant une annonce des investissements, là, vers la fin février, début mars, et en annonçant sur deux années, bien ça permet au marché de voir un petit peu qu'est-ce qu'on a dans notre carnet de commandes, qu’est-ce qui s'en vient. Puis surtout ça, ça nous évite à nous de devoir tout lancer nos appels d'offres pour l'année de chantiers qui s'en vient, tout en même temps. Ça c'est, veut, veut pas, c'est très difficile à absorber pour le marché, puis il y a personne qui est gagnant là-dessus. Donc, c'est pour ça que le Ministère, là, fait le choix d'annoncer sur deux ans. Ça permet de répartir les appels d'offres qu'on a annoncés, parce que vous l'avez bien dit, le ministère des Transports, c'est quand même le plus gros donneur d'ouvrage au Québec. Puis c'est pas peu dire, là, des investissements, là, on en fait beaucoup plus que les gens pourraient se l'imaginer. Il peut arriver, si on lance trop d'appels d'offres au même moment, qu'on ait tout simplement pas de soumissionnaire. Ça, pour nous, c'est pas une bonne nouvelle. Ça veut dire qu'on est obligé de reporter un chantier d'une année. Puis c'est pas plus une bonne nouvelle, des fois, pour les citoyens, qui s'attendent justement à avoir, des fois, une infrastructure complétement renouvelée, en 2021, par exemple. Là, on est dans l'obligation de leur annoncer que ça va devoir attendre une année parce qu'on on a tout simplement pas de soumissionnaire pour réaliser les travaux. Donc, c’est important pour nous, effectivement.

Ça peut être une question de coût, aussi : j'imagine qu'à partir du moment de la genèse d'un projet jusqu'à l'appel d’offres, qui est répondu ou non par un entrepreneur, la valeur des choses peut avoir changée; le coût de la main-d'œuvre, le coût des matériaux, la disponibilité des matériaux. Il y a beaucoup de variables.

Il y a beaucoup de variables, il y a toutes sortes de choses qui peuvent faire en sorte que la soumission qui nous est déposée correspond pas nécessairement à l'estimation que le Ministère en avait fait. Ça, quand ça arrive, il y a des équipes qui sont spécialisées dans l'analyse des estimations, qui vont venir vraiment passer au peigne fin tout ce qui a été soumissionné par le prestataire de services. Puis ça, bien veut, veut pas, effectivement, ça peut générer certains délais. Puis c'est bien correct comme ça, parce que c'est important que les contrats que le Ministère octroie soient faits en toute connaissance de cause, là, puis qu’il ait un montant juste, pour le service qui est demandé.

Donc, ultimement, il pourrait arriver que les équipes qui font les analyses décident de tout simplement pas octroyer le contrat parce qu'on juge que le montant est trop élevé. Puis à ce moment-là, bien, on assume, on assume le fait qu'on devra reporter d'un an les travaux si, bien sûr, il y a aucun risque de sécurité pour le public. Mais ça peut arriver, on va décider de retarder d'un an, on va prendre un autre projet, des fois, quand on est capable, dans des situations comme ça, nos équipes sont assez habiles et mobiles pour venir chercher un autre projet. Puis des fois, on a le temps de le remplacer, puis de quand même lancer, en ajout, un nouveau chantier cette année-là pour venir remplacer celui qu'on a dû reporter.

Donc le Ministère, une organisation qui est flexible, qui est agile, qui peut s'adapter et ça explique pourquoi, des fois, un projet, même promis dans l'année, ne peut pas se réaliser, ou dans l'année suivante. À partir de ce moment-là, quand on a obtenu les autorisations environnementales, qu'on a une preuve de la capacité du marché de réaliser les choses, que la mise en œuvre se fait, bon, il faut commencer le projet, faut gérer les entraves. Il faut aussi faire attention à des critères qui sont assez contraignants parfois, mais c'est pour la bonne cause quand on pense à l'environnement, donc ça fait une fenêtre de travail qui est pas si grande que ça, à chaque année.

Pas si grande, effectivement, je l'ai dit tantôt, là, on est dans un pays nordique, donc c'est certain que l'hiver, sauf quelques cas d'exception, généralement on fait pas de travaux en hiver. Donc, la saison va s'étirer, là, je dirais à peu près du mois d'avril pour les régions un peu plus au sud. On est capable d'étirer souvent jusqu'au mois de décembre. Encore là, des fois, c'est des décisions qu'on va prendre au niveau des coûts : on veut pas, on va analyser l'investissement supplémentaire pour étirer un chantier versus le gain que ça va nous donner. Donc, je vous dirais, là, quand on est chanceux, on est capable de faire des travaux du mois d'avril au mois de décembre. Le gros rush, là, c'est mai à novembre environ, là, pour notre saison de chantiers, mais par-dessus ça s'ajoutent aussi certaines périodes, là, où on peut pas aller travailler dans les eaux. Donc avant le 15 juin, on peut pas être dans les rivières, dans certaines rivières, et après le 15 septembre, là, pour des raisons de respect de la fraie de certaines espèces de poissons.

Des fois, ça semble bien évident à dire qu'on a juste à rentrer avec la pépine, construire le pont puis s'en aller, mais non, ça se fait pas comme ça, là. Il faut penser tant à la faune, la flore, puis les citoyens aussi qui sont autour, là, pour bien faire ça.

Il y a beaucoup d'éléments, là, comme vous l'avez mentionné, Catherine, dont le Ministère doit tenir compte dans la réalisation dans la planification d'un projet?

Oui, en effet, je suis fière que le Ministère soit pas un promoteur comme les autres. On est soucieux, on travaille avec, des fois, des caractéristiques environnementales fragiles, on fait attention, on travaille avec le ministère de l'Environnement, de concert dans ces… dans des situations comme ça, avec le ministère de la Faune aussi, je faisais référence tout à l'heure aux périodes de fraie. Puis on travaille aussi avec des groupes de citoyens, puis avec les municipalités, là, pour s'assurer qu'on travaille vraiment tout le monde de concert, puis en respect de tout ce qui nous entoure, là, dans nos travaux. Donc c'est pour ça que le Ministère a des équipes multidisciplinaires dans toutes sortes de domaines, disons, on n'y pense pas, mais oui, c'est un gros ministère d'ingénieurs, le Ministère, c'est certain, mais on a des équipes de biologistes, on a des arpenteurs, on a bien sûr des techniciens en travaux publics, puis on en parle pas souvent, mais on a, on a beaucoup de personnel administratif qui supporte ces gens-là, qui ont des expertises particulières, donc, on dit qu'on est le plus gros donneur d'ouvrage mais un donneur d'ouvrage, ça a besoin de payer ses prestataires, donc ça prend aussi des équipes en arrière de ça, là pour assurer, entre autres, le paiement de nos fournisseurs. Donc, franchement, il y a de quoi être fier à travailler au Ministère, parce que c'est vraiment des équipes de qui on peut apprendre une multitude de choses.

Est-ce qu'on peut détailler un peu, ça veut dire quoi ça : un projet de maintien d'actif?

Ça, ce que ça veut dire en fait, c'est venir intervenir sur une infrastructure au bon moment. Donc on va faire des interventions qui sont un peu plus légères, un peu plus mineures, mais qui vont permettre d'étirer la durée de vie d'une structure. Fait que c’est un petit peu comme... Je vous dirais que c'est un peu comme votre maison. Avant d'attendre que tout soit détruit, que votre toiture, elle parte au complet, bien vous allez venir, occasionnellement, une fois aux 2-3 ans, monter sur le toit, puis vous allez venir remplacer les bardeaux qui sont partis. Ça permet d'étirer la durée de vie. Fait que c'est des interventions qui vont avoir un bénéfice plus important pour… que le coût que vous allez y mettre. C'est ce qu'on appelle des interventions à bénéfice/coût élevé là, donc un investissement pas trop important pour un bénéfice relativement intéressant.

Par opposition à ce que ce serait de remplacer complétement une toiture en en mettant une neuve quand on sait très bien que la fondation de la maison va être à refaire à court terme, ce serait gaspiller de l'argent. Donc c'est exactement ce genre de calcul-là qu'on fait constamment au Ministère?

Constamment. Exact, pour utiliser les fonds publics de la manière la plus optimale possible.

On va inviter les gens qui nous écoutent à suivre les annonces d'investissement routiers, maritimes, ferroviaires, aéroportuaires.

J'espère que les gens vont retenir que… un projet routier, c'est pas juste l'annonce des investissements, mais c'est beaucoup d'années de travail en arrière, avec des équipes chevronnées.

Bien dit! Merci beaucoup, Catherine Martineau.

Merci pour l'invitation.

Martin Girard, à la prochaine.

À la prochaine, Gilles.

Merci, Catherine.

Merci!​​