Le réseau cyclable de la Route verte%%– Marc Panneton%%: 30%%ans au service du transport actif et du Ministère!

​​​​​​26 mai 2022​​
Durée : ​18 min 14​ sec

​Voici la preuve incarnée que l’on peut faire œuvre utile en conjuguant, sur le long terme, sa passion et ses fonctions au sein d’un ministère.

Marc Panneton a pris sa retraite en mars 2022 après pratiquement toute une carrière consacrée à l’arrimage de la mission du ministère des Transports et de la Politique sur le vélo, adoptée en 1995 et révisée en 2008. Une expertise unique.

Marc était le coordonnateur et le complice du soutien au développement de la fameuse Route verte et des programmes d’aide du gouvernement. Le Québec cyclable lui doit beaucoup. Mais attention : malgré la reconnaissance et les honneurs, il reste encore des défis qui attendent celles et ceux qui prendront sa relève…

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Le balado de Transports Québec

–Mars 2022. Le ministère des Transports du Québec a perdu un expert renommé et ardent promoteur du transport actif. Rassurez-vous, il est toujours bien vivant. C’est en fait le départ d’une ressource très importante au Ministère. Marc Panneton a quitté ses fonctions au Ministère après une longue et fructueuse carrière de plus de 30 ans. Il est avec nous, on va rendre hommage à la cause. Marc Panneton, bonjour.

— Bonjour, Gilles.

— Urbaniste de formation, j’ai lu ça. On a bifurqué assez vite ou s’il y a un lien?

— Non, il y a un lien. Je suis entré au Ministère en travaillant sur les politiques et un urbaniste dans un monde d’ingénieurs, c’est jamais de trop.

Ça permet aussi d’équilibrer les trucs. Et un urbaniste est très bien placé aussi pour parler de transport actif notamment, parce que le transport actif prend tout son sens dès lors qu’une route du Ministère traverse une agglomération qui est habitée.

— Quel était le poste ou le nom du poste que tu as occupé au Ministère jusqu’à récemment?

— C’est le poste de coordonnateur en transport actif, qui était initialement coordonnateur vélo, du temps au Ministère où c’était sa principale préoccupation. Mais avec le temps et avec la Politique de mobilité durable de 2018, le Ministère s’est ouvert aux transports actifs incluant la marche, aussi le déplacement des personnes en situation de mobilité réduite et personnes vieillissantes. Et on essaie de couvrir le plus d’usagers de nos routes maintenant.

— C’est connu que le ministère des Transports se présente comme un bâtisseur de mobilité. Je pense que ça intègre effectivement toutes les mobilités, dont celle qui a occupé une grande partie de ta carrière, à savoir le transport par vélo. Si on remonte un petit peu au début, allons au début, 1995 est une année charnière. Pourquoi?

— Tout à fait parce que cette même année-là, le ministère des Transports a élaboré sa propre politique sur le vélo, qui était une première, qui faisait suite à une consultation qui avait été tenue l’année précédente ou même deux ans auparavant. Et donc, en adoptant cette politique-là, le Ministère changeait un peu les paradigmes quant à la conduite de ses propres projets routiers.

En même temps, Vélo Québec a présenté au gouvernement du Québec, dans le cadre d’un plan d’action jeunesse, un projet un peu fou de doter le Québec d’un réseau cyclable à la grandeur de la province, qui s’est appelé la Route verte dès le départ, qui a été approuvé par le gouvernement du Québec. Mais ce faisant, le gouvernement s’est tourné vers le ministère des Transports en disant : « Bien, vous avez une nouvelle politique sur le vélo, vous devriez être capable de vous occuper d’un projet comme celui-là. »

Donc, il en a confié la conduite au ministère des Transports et le Ministère s’est immédiatement tourné vers Vélo Québec pour lui confier la direction du projet. Ils ont dit : « C’est votre idée, on vous engage comme directeur de projet. »

Et est donc né là un partenariat peu commun entre un ministère du gouvernement du Québec et un organisme à but non lucratif à qui on confiait un peu la direction d’une idée à la base, mais qui s’est traduit par un projet plus grand que nature.

Vingt-cinq ans après, on est à plus de 5 000 km de voies cyclables réalisés, une signalisation qui permet de savoir qu’on est sur cet itinéraire-là et de s’y retrouver, même si t’as pas une carte avec toi, et qui fait la renommée du Québec à l’international. Donc, c’est tout un chemin qui s’est fait et, à mon sens, qui part de ce partenariat-là qui est peu commun.

— Parlons-en de la Route verte. Quelle sorte de bilan on fait?

— Il y a 25 ans, tout le monde n’était pas au même point dans l’agenda pour réaliser ce circuit-là. Certains exemples dans le monde où les pistes ont été faites par l’État et confiées aux régions, ils n’ont pas nécessairement eu le succès qu’on a eu. Au Québec, l’ensemble des partenaires en région, les municipalités, les MRC, les forces en présence, ça pouvait être les associations touristiques, des organismes à but non lucratif, des corporations, gestionnaires de santé, peu importe où étaient ces forces-là, les gens se sont approprié le projet, l’ont développé et c’est devenu une fierté régionale partout où la route passait. Et c’est peut-être le temps que ça prenait pour qu’on y arrive.

— Et tant mieux, tant mieux, parce que ça assure la pérennité quand on regarde à plus long terme.

— Qu’est-ce que fait Transports Québec exactement et à quelle hauteur dans le monde du vélo?

— Le Ministère a pris un rôle qui lui revenait. Et en plus, on a pris le vélo comme étant un mode de transport à part entière. Avec la Route verte, on avait une planification nationale, ce qui est du ressort du ministère des Transports.

Et on n’a pas pris la place non plus qui revient aux municipalités, qui est la planification des déplacements à l’intérieur des agglomérations. Et pour rejoindre les objectifs qu’on a de mobilité durable, on a effectivement été un organisme subventionneur, mais toujours avec des objectifs. Et pas uniquement pour la portion qui revient aux municipalités, mais aussi dans la conduite de ses propres projets routiers.

Le ministère des Transports, de plus en plus, quand il fait des projets de développement, qu’il refait nos routes de A à Z, il va intégrer ses propres préceptes, donc ses propres normes d’aménagements cyclables et de sentiers piétons, ou peu importe.

Et de plus en plus pour les piétons, je vous dirais, parce que, encore là, c’est peut-être le chemin qui reste à faire le plus dans nos normes, d’ouvrir un peu à l’ensemble des usagers qu’on a. Surtout en traversées d’agglomérations, ça devient très complexe de gérer une circulation de transit, de camionnage et une utilisation locale par des usagers qui sont souvent vulnérables, qui sont à pied, en vélo. On a des défis là, mais plein de possibilités aussi.

— Est-ce que je me trompe, Marc Panneton, mais depuis 25 ans, là, il y a pas mal plus de monde sur les pistes cyclables qu’avant?

— Il y a toujours eu beaucoup de cyclistes au Québec. Et peut-être que l’approche ludique de Vélo Québec, avec ses voyages événements, puis ses événements comme le Tour de l’Île, des trucs comme ça, ils y ont sans doute contribué. Mais ce qu’on voit de plus en plus, c’est que quand il y a des bons aménagements bien faits, sécuritaires, les gens s’y concentrent.

Donc, oui, on en voit de plus en plus sur les aménagements parce que ces aménagements-là sont fédérateurs. Les gens y vont. Un autre élément : avec les vélos à assistance électrique maintenant, ça explose carrément là.

Actuellement, on a à peu près 365 000 vélos électriques dans le parc, je dirais, dans la flotte des vélos qui est au Québec. En 2020, c’est à peu près 26 % des vélos vendus qui étaient des vélos à assistance électrique.

Je veux dire, on n’a pas ce niveau-là dans le monde automobile. Le taux de voitures vendues, voitures électriques, est encore bien inférieur.

Ça démontre qu’il y a un intérêt. Et l’avantage qu’on a ici, c’est que ça démocratise aussi la bicyclette. Le vélo à assistance électrique a permis à des gens de se remettre à la bicyclette, permet à des gens de prolonger la période durant laquelle ils vont utiliser la bicyclette pour leurs déplacements. Ça permet aussi d’éliminer certains petits problèmes, les petits bobos, des petits empêchements qu’on a à prendre une bicyclette. Ça nous permet de gravir des côtes sans avoir nécessairement très chaud pour arriver à l’épicerie ou au bureau.

Il y a un élément qui est très, très intéressant. En démocratisant la pratique de la bicyclette, on augmente le nombre de personnes qui vont être sur les pistes et ça va être un beau problème tantôt parce qu’on va avoir un problème de capacité.

On connaît ça au ministère des Transports. Quand on parle de réseau routier, on commence à avoir des problèmes de capacité. À Montréal, la piste Claire-Morissette, qui est en plein centre-ville, connaît des problèmes de capacité.

La piste qui est sur Rachel connaît des problèmes de capacité. Ce sont des pistes qui, au total, font 3 mètres de large, bidirectionnelles et qui transportent 8-9 000 cyclistes par jour.

Je veux dire, c’est énorme! Et on a donc des problèmes de capacité. Et c’est un beau problème que je dis parce que, effectivement, ça va générer davantage de sentiers, de pistes, d’aménagements. Et plus on a de ces aménagements-là, plus ça nous permet d’atteindre des destinations avec ces mêmes liens-là. Donc, c’est gagnant en bout de ligne.

À venir : La question qui tue

— Question en rapport avec l’homme qui part à la retraite. On laisse une liste d’épicerie, symbolique ou non, mais ça serait quoi la liste d’épicerie? Les choses à faire pour votre successeur ou vos successeurs?

— Le gros du travail, à mon sens, va porter beaucoup sur toutes ces ramifications-là qu’on a pour le transport actif, là, à prévoir dans nos agglomérations urbaines.

Le ministère des Transports en traversée d’agglomérations fait déjà des efforts quand il le peut, mais il va falloir travailler d’imagination pour s’assurer que les traversées d’agglomérations, les villes permettent des déplacements actifs un peu partout.

Il va falloir qu’on sorte de la logique du réseau, en quelque part, pour faire en sorte que l’ensemble des routes d’une ville permette de circuler à pied et à vélo de façon sécuritaire.

Pourquoi nos enfants ne vont plus à l’école comme ceux des générations précédentes y allaient à pied, simplement à pied ou en vélo?

Il y a un clivage qui s’est fait à un moment donné pour faire en sorte qu’il devenait tellement dangereux de se déplacer à pied et en vélo qu’on ne le fait plus ou peu, et il faut renverser cette vapeur-là. C’est vraiment la façon dont la ville est faite, la façon dont la ville est organisée, la structure commerciale, l’hyperspécialisation des commerces, du commerce de détail. En tout cas, il y a un paquet de choses qui tourne autour de ça.

Mais à la base, l’important, c’est qu’on doit faire en sorte que les gens puissent se transporter eux-mêmes, qu’ils puissent se déplacer à pied, à vélo, sans autre artifice d’un point à l’autre dans la ville.

— Évidemment, on a le Québec qu’on a. L’hiver est une saison qui est assez rude, pas tellement invitante pour le vélo. Comment on peut gérer ça? Est-ce que c’est utopique de dire « Ah, le vélo, ça va être 12 mois par année »?

— Le vélo, ça sera pas pour tout le monde 12 mois par année parce qu’il y a des gens qui aiment pas l’hiver.

Pourtant, il y a plein de monde sur les sentiers de ski de fond. Il y a plein de monde sur les pistes de ski alpin.

Comme disaient les Norvégiens, il y a pas de mauvaise température, il y a que de mauvais vêtements. Et on s’aperçoit que Montréal a ouvert ses pistes à l’année.

Bon, en tout cas, pas toutes, mais beaucoup de son réseau est ouvert à l’année. On a des compteurs automatiques qui enregistrent des passages tout au long de l’année. À Oulu, en Finlande, on a des taux d’utilisation du vélo en hiver bien supérieurs à ce qu’on a au Québec en été et c’est à la hauteur de Kuujjuarapik peut-être là au niveau de la latitude. Fait que, non, le vélo à longueur d’année, c’est quelque chose qui se peut.

C’est quelque chose qui se fait, mais tout réside dans l’entretien qu’on fait des sentiers. C’est sûr que si vous devez composer dans votre déplacement avec un autobus à votre gauche et un banc de neige à votre droite, et la sloche dans votre cheminement, c’est pas facile. Mais si on y met les efforts, c’est possible, tout à fait.

— Qu’est-ce qu’on a apprécié le plus durant ce grand passage au ministère des Transports?

— C’est, moi, je continue à croire que c’est la très grande entraide. Tout le monde qui, dès lors qu’on a une orientation, que le Ministère se fixe des objectifs, c’est toujours impressionnant de voir tout le monde qui peut travailler là-dessus, qui peut contribuer, puis qui peut travailler dans le même sens.

On a un réseau de coordonnateurs vélos ou de coordonnateurs en transport actif maintenant au ministère des Transports qui a créé une véritable communauté qui échange sur les façons de faire, sur l’interprétation des modalités, des programmes, sur les trucs qui devraient être améliorés pour permettre d’arriver aux fins que le Ministère et que le gouvernement s’est fixé par la Politique de mobilité durable. Donc, c’est ce que je retiens de toute cette expérience-là, c’est que t’es jamais seul dès le moment où tu travailles sur un objectif que le Ministère s’est fixé.

Et tu peux toujours rappeler aux autorités que c’est les objectifs qu’ils ont fixés et on n’est pas en train de réinventer rien. On est en train seulement de tout mettre en place pour arriver aux fins qu’eux-mêmes se sont données.

— Ce qui m’amène à poser la question, je connais la réponse, mais je veux te l’entendre dire, tu fais vraiment du vélo?

— Oui, c’est mon mode principal de transport en milieu urbain, ça c’est sûr, je dirais même en vacances parce que j’ai utilisé les bicyclettes pour tester le produit.

J’ai déjà circulé sur plusieurs milliers de kilomètres sur la Route verte et dans d’autres provinces et États voisins. Et je compte bien le faire à ma retraite encore davantage.

Donc, oui, pour moi, le vélo c’est vraiment un mode de vie qui me semble tout à fait sain, économique, gratifiant. Oui, j’en tire au bout beaucoup de bonheur et de bénéfices.

— Alors, je vais me transformer en Guy A. Lepage comme à Tout le monde en parle et je vais faire la question qui tue.

Marc. À vélo, portes-tu ton casque?

— Toujours, sauf…

— C’est pas vrai?

— Sauf quand je vais à l’épicerie puis que je veux pas traîner le casque.

C’est le problème avec ma voiture, j’ai pas besoin d’apporter ma ceinture de sécurité à l’épicerie. Le casque peut parfois être une engeance, mais je le porte surtout sur les routes quand je sors à l’extérieur de la ville. Il m’a sauvé la vie dans des chutes où je me suis cassé la clavicule, puis je me serais cassé bien pire si j’avais pas porté mon casque.

Mais voilà, je gère le risque pour le reste. Et sur un vélo, dès que t’es sur un vélo à position un peu penchée vers l’avant, en position aérodynamique, tout le poids de ton corps est penché par en avant, pour reprendre Les Colocs, et l’occurrence d’une chute avec blessure à la tête est encore plus forte.

Mais si t’es sur un vélo de ville où t’es assis droit, ou dès que tu tombes de vélo, t’es debout, le risque est beaucoup moins grand. Mais ça, n’essayez pas ça à la maison. Mettez votre casque, c’est ça qui est le mieux.

— Marc, quand on a créé une empreinte aussi profonde au ministère des Transports, dans le monde du vélo, dans la politique vélo, dans la pratique en général, est-ce qu’on contribue à trouver une relève en fait concrètement?

— Oui, en fait, j’essaie d’aider mes supérieurs à trouver la bonne personne qui va pouvoir prendre la relève. Et il y en a. Puis, comme je vous disais, on a un réseau, on a un filet qui permet d’assurer la relève, donc là, peu importe la personne qui va prendre le poste, bien c’est un poste qui s’insère dans un réseau qui est fort bien articulé, et tout est en place pour que ça fonctionne parfaitement bien. Donc, oui, je suis pas inquiet, la maison est en ordre.

— Marc, est-ce qu’il y a des choses qu’on pourrait ajouter?

— J’ai parlé de Vélo Québec et j’y tenais beaucoup parce que c’est vraiment un partenariat qui est exceptionnel et que beaucoup d’autres autorités de transport en Amérique du Nord nous jalousaient un peu, ce type de relation ouverte entre un organisme à but non lucratif, qu’il faut pas se le cacher, c’est un advocacy group, c’est un groupe de pression, mais qui avait une idée qu’on a trouvée pas bête et on s’est associé à eux pour la réaliser.

Et ça, c’est peu commun.

Et ça permet de donner en toute transparence l’idée au reste de l’Amérique du Nord que des trucs peuvent être faits en partenariat dans le respect des compétences et des responsabilités de chacun.

— Marc Panneton, je dis bravo pour cette très belle carrière au profit, dans le fond, du service public, de la cause vélo, du Ministère en particulier. Qu’est-ce qu’on souhaite pour la suite?

— Bien, on souhaite aller essayer la Route verte pour les années qui viennent. Et je le souhaite à tout le monde.

Il y a tellement des beaux segments de route et vous allez découvrir que ça peut être très agréable. Et plus on fait du vélo, plus le vélo est facilement accessible chez soi.

On le range dans un endroit où on peut le prendre facilement, plus on est en forme, moins on a mal au popotin et graduellement on s’aperçoit que se déplacer soi-même, c’est la chose la plus agréable.

— Effectivement. Bien, merci pour tout, encore une fois, Marc Panneton, et beaucoup de bonheur pour la suite.

— Merci beaucoup, Gilles.

Le Balado, une production de la Direction générale des communications du ministère des Transports du Québec