Incendies de forêt : L’indispensable équipe des avions-citernes

​​​​​​​​​25 janvier 2024​​
​​​​​​​​​​​​​Durée : 8 min 28 sec

Peu de gens savent que les fameux avions-citernes utilisés par la SOPFEU proviennent du ministère des Transports et de la Mobilité durable.

Ces appareils uniques et leurs pilotes aguerris jouent un rôle décisif au Québec, mais aussi ailleurs dans le monde. Incursion dans le quotidien d’une véritable équipe de feu (!) avec un des assistants-chefs pilotes et pilotes instructeurs, Sébastien Marquis.

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Transcription

Invité

Nous, notre efficacité, les avions-citernes, c'est vraiment l’attaque initiale. Quand le feu commence, il y a énormément de chances qu'on réussisse.

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Bienvenue à cet autre épisode du balado des transports. Cette fois, nos yeux se tournent vers le ciel. Les 14 avions-citernes qui combattent les incendies pour le compte de la Société de protection des forêts contre le feu, la SOPFEU, sont sous la responsabilité du ministère des Transports et de la Mobilité durable et de son Service aérien gouvernemental, le SAG; ce sont des avions ultraspécialisés. L'équipe qui en a la responsabilité fait également partie du SAG : techniciens, entre autres, ainsi que les 40 pilotes. C'est le cas de Sébastien Marquis, depuis plus de 10 ans, et aujourd'hui, un des assistants-chefs pilotes, pilotes instructeurs et commandants d'avion-citerne. Mais ne devient pas pilote-pompier qui veut!

Invité

La formation d’un pilote d'avion-citerne, en fait, ça nécessite une licence de pilote de ligne et on doit avoir aussi une expérience de pilote de brousse pour « appliquer » sur les postes au service aérien sur les avions-citernes. Donc, moi, mon profil a été que j'ai fait ma formation de pilote commercial. Ensuite, je suis devenu pilote de brousse; j'ai fait plus d'une dizaine d'années comme pilote de brousse. Ensuite, pour acquérir une certaine expérience, bien j'ai volé sur des petits appareils « twin » à turbine, en fait, et j'ai « appliqué » au Service aérien et je suis rentré comme pilote d'avion-citerne. Donc mon expérience de vie de pilote m'a amené à avoir les aptitudes et les connaissances et l'expérience pour être capable d'« appliquer » au Service aérien.

Animateur

Des habiletés d'exception, une spécialité, à n'en pas douter. Et pour cause : les avions-citernes et leurs opérateurs doivent aller faire le plein d’une grande quantité d'eau au fil d'un plan d'eau à proximité, ce qu'on appelle l’écopage, et aller larguer cette eau sur les feux en activité – le tout, sans relâche, mais toujours avec précaution.

Invité

C'est sûr que nous, quand on part en mission de feu, on essaie toujours d'avoir le lac le plus proche du feu. On va faire une bonne inspection sur le lac. On doit vérifier que la longueur du lac est suffisante pour nos opérations. Mais ce qu'on vérifie aussi, c'est les entrées et les sorties, parce que des fois, c'est des montagnes, c'est des rivières, il y a des courants verts… Donc, puis on vérifie aussi s’il y a pas des roches, des obstacles sur le lac, fait qu'on fait une vérification des alentours de notre lac, du lac, mais aussi des alentours, puis on vérifie que ce lac-là est propice à nos opérations, puis à partir du moment qu'on décide que ce lac-là est proche, on peut faire un circuit largage/écopage à l'intérieur de 2 minutes. Donc, quand on part en mission, on a 4 heures de carburant, fait qu’on a 4 heures, on fait 4 heures de mission au feu, et puis on revient, on prend une pause, on mange, puis on repart pour un autre 4 heures. Et puis on revient à la maison. Fait qu'on fait 2 missions SOPFEU de 4 heures dans une journée. À ces 2 missions-là, un largage aux 2 minutes, on peut faire plus de 120 largages, facilement, en 2 périodes de 4 heures, par appareil.

Animateur

En termes de volume d'eau, chaque plein effectué en effleurant la surface d'un plan d'eau permet en 10 à 12 secondes d'emmagasiner plus de 6 000 litres d'eau, ce qui représente une charge de 13 500 livres ou plus de 6 tonnes métriques. Mais la grande question : arrive-t-on à maîtriser les flammes apparemment incontrôlables des incendies de forêt avec cette eau dispersée?

Invité

Ce qu'on va faire, c'est qu'on va éliminer toutes les flammes. Puis ce qui arrive, c'est que le feu, lui, brûle dans le sol; et là, ça prend les pompiers, les pompiers au sol, qui eux vont venir éteindre le feu qui est dans le sol. Parce que nous, le feu, si on veut, le feu de surface, là, une fois qu'on va partir, il va rester juste des fumées. Les flammes, on les verra pratiquement plus. Des fois, on quitte un feu, on cherche les fumées, on a vraiment... On arrose, puis quand on voit des fumées, qu’il en reste, on va mettre le plus d'eau possible avant de partir. La force de cet appareil-là, c'est l’attaque initiale. C'est aussitôt que le feu commence. Notre force est là, nous, c'est d'aller attaquer le feu le plus rapidement possible. Des fois, je vais vous le dire, on arrive sur un feu. Le feu a déjà pris une bonne dimension. On est 2 appareils, on part toujours minimum de 2 appareils, des fois on est plus que 2 appareils, on peut être 4 appareils parce que là, le feu est plus gros, mais normalement, là, on part 2 appareils, on arrive au feu, puis nous, c'est l'attaque initiale. Mais des fois, le feu est quand même assez gros, puis en dedans de 2 minutes, 2 appareils qui font des largages, un en arrière de l'autre... Je peux vous dire qu’en dedans d’une heure, une heure et demie à travailler sur le feu, on commence à baisser énormément l’intensité du feu. On voit, on est en train de faire des trous dans le feu, là, puis on voit qu'on va réussir à l'éteindre. Des fois, il reste pas grand-chose : après une mission de 4 heures, on en a fait pas mal, on va « fueler », on revient, on repart au feu, on revient, on voit qu'il y a des fumées encore, on les retravaille toute la journée. Des fois, on arrive, c'est quand même un bon feu, on le voit de loin, on voit la colonne de fumée. On arrive, puis à la fin de la journée, il reste plus rien. Puis à chaque fois, moi-même ça me surprend, parce que des fois on arrive sur des feux, je vous le dis, il vente, il y a énormément de fumée, il y a de la chaleur. Je me dis : on passera pas à travers, puis à la fin de la journée, il reste plus rien. On voit qu'on est capables d'arrêter le feu.

Animateur

Les ressources de l'équipe de combat des incendies de forêt sont mises à rude épreuve durant la saison estivale au Québec, surtout lorsque le temps sec et les vents contribuent à ce que le feu se propage rapidement. Si on ajoute les coups de main aux territoires voisins, le travail ne manque pas. Cela a fait que l'été 2023 s'est inscrit dans la liste des étés.... exigeants.

Invité

Cet été, on a vécu une grosse année chez nous, au Québec. Par contre, pour ce qui est de nous, les pilotes d'avion-citerne, quand c'est tranquille chez nous, ça signifie pas que c'est tranquille pour les avions-citernes, parce qu'il peut y avoir une demande d'une autre province et nous, on va quitter pour aller travailler. Il y a des appareils et des groupes de pilotes qui vont partir pour aller travailler dans d'autres provinces. Donc, des fois, c'est vrai que c'est plus tranquille au Québec, mais je me souviens, la saison 2021, j'ai passé plus d'un mois en Ontario, et eux étaient pris cette année-là avec des feux comme nous au Québec cet été, puis cet été-là, au Québec, c'était plutôt tranquille, mais nous, ça a été une grosse année aussi pour l'opération des avions-citernes, parce qu'on a travaillé sur ces feux-là en Ontario. Donc cette année, c'est vrai qu'on a vécu une grosse saison au Québec, qui a commencé très tôt, mais elle a commencé très tôt aussi à travers le Canada, parce qu'en début de saison, avant même que nous, nos opérations commencent ici au Québec, on avait des appareils qui étaient partis travailler dans l'Ouest canadien. Notre saison, pour les pilotes, avait déjà commencé très tôt cette année et puis là, il est arrivé un début de saison plus tôt qu’à l'habitude avec une quantité de feu assez phénoménale. Donc, nous, on a été très sollicités cet été chez nous, même d'une façon plutôt assez exceptionnelle. On a recensé il y a quelques semaines plus de 17 000 largages. En fait, on était plus aux alentours de 15 000, on prévoyait faire 17 000 largages. À ce moment-là, on avait plus de 15 000 langages d’effectués – plus de 2 000 heures de vol, pour tout l'ensemble des avions. Ça a été très exigeant. C'est sûr que, bien, déjà de « voler » l'avion, c'est assez physique, puis on l'a « volé » beaucoup cette année. En fait, « voler » un avion-citerne à hauteur d'arbre, à 100 pieds au-dessus des arbres – c'est à peu près la hauteur qu'on fait nos largages – donc, c'est un avion qui vole toujours à bas niveau, fait qu'on est toujours dans des virages serrés parce qu'on fait des virages, on s'en va au lac, on rentre, on fait nos manœuvres : y’a pas d’autopilote dans cet avion-là, tout est fait par les deux membres d'équipage. Des missions de 4 heures, c'est assez exigeant physiquement, des missions de 8 heures, ça l'est encore plus, et on étaient sollicités comme ça toute la saison. Donc, je vous dirais qu'il y a quand même une fatigue qui s'est accumulée au courant de la saison, parmi le groupe de pilotes, ce qui est tout à fait normal parce qu'on était sollicités tous les jours, je vous dirais, mais ça a été aussi une grosse saison pour nos techniciens qui réparent les avions parce qu'ils étaient sollicités très tôt le matin, qu'il arrive toutes sortes de petits pépins durant la journée. Ils finissent très tard le soir. Donc, je pense que pour tous les membres d'équipage, que ce soit les pilotes, les techniciens, ça a été une très grosse saison pour nous autres, cette année.

Animateur

Contrôler les feux de forêt à l'aide d'avions-citernes est une authentique expertise québécoise qui d'ailleurs est exportée depuis longtemps et pas juste à côté.

Invité

On a un contrat avec le comté de Los Angeles en Californie depuis 30 ans. C'est notre 30e ​anniversaire cette année. On a 2 appareils qui quittent début, fin août – début septembre pour une période de 3 mois, donc on a une petite partie de notre saison, depuis 30 ans, qui se fait en Californie aussi. Là-bas, les feux sont différents du Québec. On fait des feux principalement dans la ville de Los Angeles, on combat des feux dans les canyons, fait que c'est différent du Québec, puis pour nous, bien c'est une expérience aussi qui est très intéressante.

Animateur

Longue vie au service de lutte contre les incendies de forêt, ce service unique et reconnu à travers le monde!

Merci à vous d'avoir été à l'écoute. Merci également à notre invité, le pilote Sébastien Marquis, du Service aérien gouvernemental. Cet épisode est une production de la Direction générale des communications du ministère des Transports et de la Mobilité durable. Au plaisir de vous retrouver au gré d'un autre épisode qui ne manquera pas de vous en apprendre davantage sur la réalité très vaste des transports au Québec.