Les routes du Québec sous haute surveillance

29 septembre 2021
Durée : 17 min​ 45 sec

Dans un précédent balado, il a été établi que le Ministère ausculte annuellement la très grande majorité de ses routes afin d’établir leurs différents indicateurs d’état. Que fait-on en détail de ces tonnes de données? Concrètement, peut-on classer nos routes afin que leur comparaison permette au Ministère de dresser les priorités d’intervention de la façon la plus efficace possible?

La réponse avec notre invité, Marc-Étienne Langlois, candidat à la profession d’ingénieur et employé à la Direction des chaussées au sein de la Direction générale du laboratoire des chaussées.

Et, en passant, bien sûr, vous pouvez toujours nous écrire pour nous aviser qu’une route est particulièrement abîmée… Mais, il y a de très bonnes chances que nous le sachions déjà. La liste des choses à faire du Ministère est sous contrôle, qu’on se le dise!


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Transcription

Transport Québec vous souhaite la bienvenue, tout le monde.

C'est Gilles Payer qui vous parle, relationniste au ministère des Transports, en compagnie de Martin Girard, également relationniste.

Salut, Martin!

- Salut, Gilles!

- Nous sommes tous les deux des automobilistes, donc on parcourt, bien sûr, pour les loisirs ou le travail, la route. Et puis on roule sur ce qu'on appelle des chaussées.

On a beaucoup de routes au Québec et, évidemment, on les entretient, on s'en occupe.

Et c'est beaucoup moins simple qu'on pourrait le croire.

Alors, on va en savoir un peu plus dans ce balado sur l'état des chaussées au Québec.

C'est un sujet qui fait jaser.

Marc-Étienne Langlois est candidat à la profession d'ingénieur au ministère des Transports. Il est aussi le pilote du système de gestion des chaussées, et c'est avec lui qu'on va parler du bilan de l'état des chaussées.

Bonjour, Marc Étienne.

- Bonjour.

- Marc Étienne, tu es au ministère des Transports, mais pas depuis si longtemps que ça?

- Non, c'est ça. Ça fait maintenant un an, je suis au ministère des Transports à temps plein.

Mais auparavant, j'ai fait tout de même mes trois stages universitaires au sein du ministère des Transports en auscultation, mais, maintenant, je suis rendu en gestion des chaussées.

- Oui, dans notre balado d'aujourd'hui, on va parler du bilan des chaussées.

Et pour ceux qui nous écoutent régulièrement, on a fait un balado sur le véhicule, le VMEC, véhicule de mesure d'état des chaussées, qui ausculte nos routes à la grandeur du Québec.

Mais ces données-là, qui sont compilées par la suite, servent au bilan des chaussées.

Donc, Marc Étienne, tu peux nous en parler un petit peu plus? Qu'est-ce que vous faites avec ces données-là?

- Ouais, en fait ce bilan des chaussées, en quoi il consiste?

Le bilan des chaussées, c'est un document produit une fois par année par la Direction des chaussées à la suite de l'auscultation du réseau.

Donc l'auscultation qui a été discutée lors du dernier balado avec le véhicule de mesure de l'état des chaussées.

Le bilan permet de brosser le portrait de l'état du réseau routier sous la responsabilité du ministère des Transports.

Il permet aussi de voir les tendances : est-ce que l'état du réseau routier s'est maintenu, s'est amélioré ou s'est dégradé au fil des années.

Pour ce faire, on utilise différents indicateurs.

Donc, on a des indicateurs des états, donc l'IRG, l'IRI, l'orniérage, la fissuration et la gélivité, et on a des indicateurs financiers comme le DMA.

Ces indicateurs, on pourrait les définir un peu plus tard.

Les résultats du bilan sont utilisés comme intrants à la planification des travaux sur le réseau routier en fonction de l'évolution des besoins et des contraintes budgétaires.

Si vous voulez consulter le bilan, je vous invite à aller le voir sur le site de Transport Québec.

- C'est un bilan qui est annuel, tu l'as dit, Marc Étienne. Un bilan qui est annuel, qui classe la grande majorité de nos routes selon leur état en pourcentage.

On a un pourcentage qui est bon, un pourcentage qui est très bon, un pourcentage qui l’est moins, on peut dire ça?

- Oui, exactement, on peut dire ça comme ça.

- Alors, le VMEC, le véhicule en question ausculte les chaussées, prend des données, tout ça est trié, ventilé et puis...

Mais comment il est dressé, c'est classé par route? Comment ça marche?

- Ouais, en fait, le bilan, il est dressé, il est classé, comme vous avez dit, par route comme classe fonctionnelle.

Mais le bilan fait aussi partie d'un cycle de gestion de chaussées, fait partie d'une grande roue

Et c'est quoi le cycle de gestion des chaussées?

En fait, c'est connaître ce qu'on a à gérer. Pour connaître ce qu'on a à gérer, il faut connaître les caractéristiques de notre actif, donc de notre chaussée.

Sa longueur, son nombre de voies, son type de revêtement, la largeur des voies, etc.

Et son historique des travaux.

On adjoint à ça les données sur l'état des chaussées.

Et ici vient l'auscultation du réseau par le VMEC. Les données recueillies par le VMEC passent par un processus de contrôle et d'assurance qualité rigoureux avant d'être versées dans le système de gestion des chaussées.

Tout ce travail de banque de données, d'auscultation permet de dresser le bilan des chaussées, mais aussi permet de faire des analyses qui vont nous aider plus tard.

Donc, va permettre de répondre à des questions comme : quels sont les besoins d'intervention? Donc, les besoins en travaux de notre réseau routier qu'on a présentement et qu'on aura dans le futur.

Quelles sont les performances des travaux routiers qu'on a réalisés dans le passé?

Est-ce que ça se passe comme on avait prévu? Est-ce que ça se passe mieux ou moins bien?

Sachant l'état, les besoins en travaux, les objectifs qu'on a, on peut se doter d'une stratégie d'intervention. Donc, en quelque sorte, le plan de marche.

Qu’on pourrait se donner pour faire notre programmation future.

Ensuite, on arrive à la planification des travaux, donc c'est le où, le quand, le comment intervenir sur notre réseau.

Puis, on arrive à ce que je pourrais dire la vraie vie.

On va réaliser les travaux tout en s'assurant de la qualité de ceux-ci.

On va mettre notre banque de données à jour, donc les travaux qu'on a réalisés, l'historique des travaux.

On va mettre ça dans le système de gestion des chaussées.

On va remesurer des données d'état avec le VMEC et on va produire à nouveau un bilan.

Et la roue tourne comme ça, à chaque année.

On a plusieurs degrés d'intervention, et le Ministère s'est doté d'une stratégie d'intervention pour prioriser chaque route. La stratégie qui a été développée au Ministère a été faite pour s'éloigner du réflexe du pire en premier.

Par pire en premier, ce que je veux dire par là, c'est de faire les routes les plus détériorées en premier au détriment du reste.

C'est pas une stratégie qui est viable dans le temps.

Puis, qui coûte très cher à réparer des routes détériorées.

Ce qui en résulte par une plus faible réalisation de travaux sur le réseau et par une augmentation des besoins d'intervention sur le reste du réseau.

- Donc le réflexe du pire en premier, c'est un peu comme contre-intuitif?C'est-à-dire qu'on pense qu'il faut réparer la route la plus détériorée en premier. Mais, ce que vous dites, au Ministère, aux chaussées, c'est que ça veut pas dire que c'est la meilleure idée, la plus rentable de faire ça?

- C'est exactement ça. En fait, faire toutes les routes, les plus dégradées, les plus détériorées en premier, ça ferait en sorte qu'on aura peut-être une augmentation immédiate, visuelle du bon état, mais dans le futur, notre réseau va juste continuer à se dégrader.

On sera jamais capable de rattraper le retard accumulé.

Donc, pour contrer ce réflexe du pire en premier, qu’on serait portés à aller faire, on s'est dotés d'une stratégie qui vise l'optimisation des investissements, l'atteinte des seuils de qualité à court terme et l'amélioration continue de l'état du réseau routier à long terme.

En d'autres mots, c'est de faire la bonne intervention, au bon endroit, au bon moment.

Puis, comment on met tout ça en application?

En fait, on intervient d'abord sur les chaussées dont la sécurité des usagers est compromise.

Ces chaussées, c'est très souvent des problématiques majeures d'orniérage, donc c'est égal à un risque accru d'un aquaplanage. Donc un risque d'accident le plus élevé.

Ensuite, on va vouloir préserver à moindre coût des chaussées en bon état, pour prolonger leur durée de vie.

Je me permets une petite analogie. On a parlé tantôt du véhicule, je reprends notre véhicule, on veut faire notre changement d'huile régulier sur notre véhicule pour maintenir nos pièces mécaniques, notre moteur en bon état.

C'est le même principe pour les chaussées.

On va venir faire des interventions dites préventives pour les maintenir en bon état.

- OK, alors, c'est pour ça que parfois, des gens dans le public peuvent nous interpeller, le typique beau-frère au party de Noël qui dit :

« Vous avez réparé une route, il y a deux ans.

Puis, on dirait que tout est aussi maganée qu'avant? »

Ça, ça veut dire qu'on a fait une intervention un peu subtile, superficielle dans le but de prolonger la vie d'une chaussée, c'est ça?

- C'est ça, des fois, le public va dire : « Pourquoi vous intervenez sur une chaussée, sur une route qui est neuve? Je comprends pas pourquoi vous n'intervenez pas sur une autre route? »

La route qui... paraît neuve. Elle a déjà quand même de l'âge.

On va juste revenir dessus pour permettre qu'elle dure encore plus longtemps.

Ça coûte vraiment pas cher de faire ça.

- OK. Alors, ça peut être du planage pour enlever l'orniérage, ça peut être de l'égalisation, de la scarification...

Alors, avec des procédés, donc Marc-Étienne,, qui sont pas très coûteux, pas trop intrusifs, ça veut dire qu'on n'est pas obligé de fermer la route au complet pendant des semaines et des semaines.

On arrive à prolonger la vie et la qualité de ce qu'on a.

Alors, je comprends l'analogie avec le changement d'huile : ça coûte pas cher, on le fait régulièrement, la voiture dure plus longtemps.

- C'est exactement ça. Ensuite, on embarque dans des interventions plus importantes.

Donc qui prennent une grande majorité du budget qui est alloué à la conservation des chaussées, qu'on appelle les interventions curatives à bénéfice/coût élevé.

Donc le principe de bénéfice/coût est utilisé pour sélectionner les meilleurs candidats.

Parmi tous les besoins que le réseau a, on va aller sélectionner la crème de la crème pour intervenir.

Puis, ces interventions dites curatives sont divisées en deux volets.

On a des réhabilitations mineures, donc de surface qu'on a, comme des planages, la scarification, des choses comme ça.

Et on a des réhabilitations majeures, qui sont des travaux beaucoup plus en profondeur, où on va fermer la route, on va creuser, refaire au complet la route.

Parmi ces deux volets, on va faire un ratio équilibré de travaux pour permettre l'amélioration continue du réseau à long terme.

Puis, le dernier volet, qui fermes la boucle, la stratégie du Ministère.

C'est un volet qu'on dit pour répondre à toutes considérations ou impondérables qui cadrent pas nécessairement dans les autres volets qu'on a discutés.

Donc là, on va voir des travaux qui sont faits en collaboration avec des municipalités, qui cadrent pas nécessairement avec la stratégie du Ministère.

- Le balado du ministère des Transports, une production de la Direction générale des communications.

- Toujours en lien avec la stratégie, souvent les gens vont voir... des routes ou des autoroutes très endommagées.

Le Ministère revient et ça peut être, parfois même annuel ou aux deux ans, refaire de l'asphalte, colmater des nids-de-poule...

Des gens vont dire : « Mais pourquoi vous la réparez pas complètement, parce qu'elle se détériore? »

Mais ça fait partie de la stratégie qui fait qu'on va colmater sachant qu'un projet plus important s'en vient dans les prochaines années.

- Oui, c'est exactement ça. En fait, on va venir faire des interventions qu'on dit palliatives pour colmater des nids-de-poule ou ramener un certain confort à l'usager sachant qu'on va venir faire des travaux importants dans un avenir rapproché.

Un an, deux ans, maximum 3 ans.

Puis, c'est un peu le même principe, si on reprend notre auto.

Exemple : mon véhicule, j'ai un véhicule qui est rouillé, que je vais changer dans six mois, je viendrais pas faire des travaux importants sur mon véhicule, sachant que je vais le changer.

En exemple, j'ai un problème, mes roues, faudrait que je les change.

Donc toujours attendre avant de les changer, vu que je vais m'acheter un nouveau véhicule.

- Depuis le début, on parle d'indice, de différents termes, de l'IEG.

Il y a aussi l'IRI, est-ce que c'est possible de nous en dire un peu plus sur ces indices et à quoi ça sert?

- Si tu commences avec l'IRI qui est l'indice de rugosité international.

En fait, cet indice fait partie des normes internationales utilisées par de nombreuses organisations routières.

L'IRI est relié au confort au roulement et mesure la planéité de la surface de la chaussée.

Donc, c'est directement lié à ce que les usagers de la route ressentent.

Et aussi, c'est un indice qui est reconnu pour avoir un impact sur le coût de fonctionnement des véhicules.

L'IRI était anciennement utilisé comme étant l'indice pour qualifier l'état de la route.

Mais il prenait pas en compte tous les autres défauts de la chaussée.

Donc le Ministère est venu avec l'indice d'état gouvernemental qui est l'IEG.

Donc, l'IEG, lui, permet de suivre l'évolution des différentes infrastructures gouvernementales.

Et offre une base d'évaluation globale, comparable et relativisée des infrastructures publiques.

Que ce soit une école, un hôpital, une chaussée, un pont.

Mais on est tous capables de les comparer sur un pied d'égalité.

Pour les chaussées, L'IEG combine nos quatre indicateurs d'état, soit l'IRI, l'indice de rugosité international, qui combine à lui seul l'orniérage, la fissuration et la gélivité, qui est la susceptibilité au gel des chaussées.

L'IEG relie ainsi l'état global de la chaussée aux besoins d'intervention pour la remettre en bon état.

Si je me permets un petit complément parmi nos indicateurs, on a l'indicateur financier qui est le déficit de maintien d'actifs, le DMA.

Le DMA représente le coût de réfection des chaussées pour lequelles une intervention de maintien n'a pas été réalisée à temps.

Le DMA comptabilise les coûts pour remettre en bon état l'ensemble des chaussées en mauvais état.

- Alors ça, ça permet d'avoir un portrait global, provincial, annuel, évidemment comparable dans le temps.

Ça permet de dire, pour remettre le tout en état.

Quand je dis « le tout », c'est toutes nos infrastructures ou toutes nos routes.

Ça prend X milliards.

Et c'est exactement le chiffre qu'on connaît, qui circule chaque année, qui permet de suivre l'évolution, qui est positive. D'ailleurs, depuis quelque temps, on reprend le dessus tranquillement de l'état de nos routes, si on peut affirmer ça Marc Étienne?

- Oui, on peut affirmer ça. Puis, on pourrait même dire que c'est grâce à la stratégie que le Ministère a mise en place.

Qui nous permet justement d'améliorer l'état de notre réseau qu'on voit depuis quelques années.

- Mais ça, est-ce que, c'est une parenthèse, l'IEG, l'indice d'état gouvernemental qui nous sert à nous au Québec pour suivre nos choses dans le temps, est-ce qu’on peut l'appliquer à l'Ontario ou au Vermont?

- On pourrait l'appliquer, par contre c’est une base de comparaison qui est propre au Québec, c'est un outil qui a été développé par le secrétariat du Conseil du trésor pour ses infrastructures.

Maintenant, il faudrait que les autres provinces, états adhérents aux mêmes principes et qu'on utilise les mêmes seuils pour définir l'indice d'état gouvernemental.

- OK, alors ça, ça veut dire que, si quelqu'un dit qu’en Alberta, les routes sont bonnes ou en bon état, sont à 75 %, bien, ça veut pas dire que la notion de bon état est exactement la même pour toutes les provinces?

Donc, comparer, ce serait vraiment hasardeux de le faire?

- Oui, c'est le niveau qui est très complexe, si on vient comparer l'état du Québec à d'autres provinces ou d'autres états.

Puisqu'il faut s'assurer qu'on compare des pommes avec des pommes et non des pommes avec des oranges.

C'est là, que c'est très compliqué de faire les comparaisons.

- Alors, Marc Étienne, si toi et moi on va voir le médecin, on peut se dire qu'on est en forme tous les deux, mais c'est le médecin qui va décider combien on est en forme, on peut se dire ça?

- Oui, on peut dire ça comme ça, oui.

- OK. Après, il faut évaluer avec des critères ou des mentions comparables pour avoir une juste perception des choses?

OK, bien Moi, je pense que c'est plus clair.

Donc, pour conclure avec les effets positifs de cette stratégie d'intervention, c'est de se dire qu'on a une notion de rendement sur l'investissement qui permet de profiter à nos routes Marc Étienne ?

- Donc oui, c'est effectivement la stratégie, est là pour maximiser chaque dollar investi et assurer la pérennité de l'ensemble du réseau routier.

- Merci beaucoup, Marc Étienne.

- Merci à vous deux.

- Merci.

Salut, Martin, et à la prochaine.

- Salut, Gilles.